20 Août 1944 dans la base sous-marine du port de Bordeaux, un sous-marin Allemand prépare son départ.

La flottille à laquelle il appartient est basée à Bordeaux, et doit être démantelée dans les prochains jours. Il s’agit de la dernière expédition de ce sous-marin.

Alors que bon nombre de sous-marins d’attaque Allemands quittent Bordeaux et filent vers le Nord pour regagner l’Allemagne, l’Unterseeboot N°180 (U-180) donne cap au Sud dès la sortie de l’estuaire de la Gironde.

L’un des deux seuls loups gris affectés au transport de marchandises sensibles
L’U-180 est un modèle bien particulier de sous-marin militaire, il est le seul sous-marin de classe IXD1, avec le U-195 à avoir été spécialement aménagé non pas pour l’attaque, mais pour le transport de « marchandises sensibles » pour lesquelles la marine Allemande ne souhaite pas prendre le risque d’un transport aérien.

Régulièrement, selon un calendrier bien établi, l’U-180 signale sa position, jusqu’au large de Contis, ou il disparait sans laisser aucune trace, ni naufrage, ni explosion, ni épave, ni message de détresse. L’armée Allemande ne souhaite pas vraiment communiquer sur cette perte « sensible », le mystère de l’U-180 est passé sous silence, principalement auprès des populations locales de cette partie de la côte Landaise.

U-Boot 180 disparu au large de Contis

U-Boot 180 disparu au large de Contis

Nous allons au travers de ce reportage exceptionnel vous dévoiler l’histoire hors du commun de ce sous-marin Allemand, de ses origines à sa perte, en passant par le mystère que garde encore sa disparition.

Les Unterseeboots ou « U-Boots » : les meutes de loups gris.

La marine militaire Allemande, la « Kriegsmarine » développe et perfectionne durant la deuxième guerre mondiale une large gamme de sous-marins d’attaques, surnommés « les loups gris d’Hitler ».

Capables de s’aventurer dans les profondeurs de l’Atlantique, d’y chasser en meute les navires Britanniques tels de véritables proies, les U-Boots Allemands sont la principale menace maritime. En 1939, la majorité des matières premières et de la nourriture consommées en Angleterre étaient importées.

Si les sous-marins Allemands étaient en mesure de casser cet approvisionnement, la guerre pouvait prendre un tout autre chemin.

Le début de la guerre océanique.

Sous-marins de type IX : l’entrée dans la guerre océanique
Lors du déclenchement de la seconde guerre mondiale, l’Allemagne ne possédait majoritairement que des sous-marins de taille limitée pour être construits en grand nombre, propulsés par des moteurs diesels en surface et électriques en plongée, mais conçus sur un principe de simple coque.

L’arrivée des sous-marins de type IX est une étape importante pour la Kriegsmarine. Inspirés de leurs prédécesseurs, ils sont surtout équipés de doubles coques renforçant leur résistance aux explosions et permettant d’augmenter de manière sensible la volume intérieur du sous-marin.

Ils était surtout capables de traverser les océans, et de s’aventurer soit dans l’océan indien, ou dans le pacifique permettant ainsi à l’Allemagne d’entrer dans une guerre Océanique.

L’ U-180 (type IX série D1) : la genèse.

Assez rapidement, ces sous-marins de capacité importante donnent la possibilité à l’armée Allemande de transporter sous les océans des marchandises sensibles. Ce sera la cas de l’U-180 dans la seconde partie de sa carrière.

La construction du sous-marin U-180 est ordonnée par l’armée Allemande le 28 mai 1940. Sa construction débute le 25 février 1941 dans les chantiers maritimes AG-Weser de Brême au Nord de l’Allemagne.

Les chantiers de Brême construisirent un total de 162 U-boots,  de type IA jusqu’au type XXI. Le premier U-Boot de ce chantier fut le U-25 le 14 février 1936, le dernier le U-3044 le 1er mars 1945.

Livré le 10 décembre 1941, l’U-180 reste une grosse machin : avec plus de 500 tonnes par rapport à ses prédécésseurs de type IXC, ce sous-marin de type IXD mesure aussi 10 mètres de plus.

Caractéristiques techniques en sortie du chantier Weser sont les suivantes :

  • Poids : 1616 à 1804 tonnes
  • Vitesse : inférieure à 19,2 noeuds en surface, 6,9 noeuds en plongée (type IXD2)
  • Zone d’intervention en surface : 23700 miles à 12 noeuds
  • Zone d’intervention en plongée : 57 miles à 4 noeuds
  • Longueur hors tout : 87,60 mètres
  • Hauteur : 10,20 mètres
U-Boot 180 disparu au large de Contis

U-Boot 180 disparu au large de Contis

Les essais de l’U-180 dans la baltique.

L’U-180 entre le 16 mai 1942 dans la 4ème flottille ( 4. Unterseebootsflotille). Cette unité d’entraînement ne possède aucun insigne. Basée à Stettin dans l’actuelle Pologne (Szczecin), les sous-marins y étaient affectés afin de suivre un processus complet de tests pouvant durer de trois à sept mois.

Menés avec l’équipage du navire, ces entraînements avez pour objectif de familiariser l’équipage avec l’appareil et de tester le bon fonctionnement du sous-marin. La phase d’entraînement était sanctionnée par une admission, nommée l’Unterseebootsabnahmekommando (U.A.K.). l’U.A.K. consistait en une phase de deux semaines durant laquelle la totalité des systèmes du sous-marin étaient testés.

Le choix du blason de l’U-180.

Un blason qui reprenait la Mercedes Stern. 

Alors que certains U-Boots possèdent pour signature le blason de leur flottille, le U-180 possède sa propre signature.

Il s’agit d’une étoile à trois branches dans un cercle, qui est la copie conforme du logo « Mercedes-Benz » : la Mercedes Stern.

Plusieurs sources s’accordent sur ce choix atypique pour un sous-marin, dans le sens ou cet emblème fut très certainement choisi pour le U-180 pour rendre hommage à son motoriste , … Mercedes. L’U-180 est le seul sous-marin de la flotte Allemande à reprendre le logo Mercedes sur sa coque.

Dans la 10ème flottille : le sous-marin d’attaque.

L’U-180 est tout d’abord affecté à la 10ème flottille d’U-Boots basée à Lorient du 1er octobre 1943 au 1er novembre 1943 (ces dates sont différentes selon la source)

Il effectue au sein de cette flottille plusieurs missions et coule deux navires dans l’année 1943, sous les ordres du commandant Werner Musenberg :

Aux premières heures du 18 avril 1943, le Corbis, un navire Britannique de 8132 tonneaux croise la route de l’U-180 au Sud de l’Afrique. Sans escorte, le Corbis est frappé à 3h56 du matin par deux torpilles de l’U-180, à 500 miles au Sud-Est de Port Elizabeth (Afrique du Sud).

Le 3 juin 1943, l’U-180 se trouve en plein océan atlantique Sud, à mi-chemin entre l’Afrique et le Brésil . Il prend en chasse le Boris, navire Grec de 5166 tonneaux. A 23h40, le Boris est frappé par une des trois torpilles engagées par l’U-180. Le navire reste en surface en raison de son chargement de bois. à 23h52, l’U-180 lance deux nouvelles torpilles qui font couler le navire.

A Bordeaux : base militaire de transport tactique.

1944 : entrée dans la 12ème flotille de Bordeaux
L’U-180 entre à la 12ème flottille de Bordeaux du 1er avril 1944 au 23 août 1944. Basée dans la base sous-marine du port de Bordeaux la 12ème flottille (12. unterseebootsflottille) est créée le 15 octobre 1942 et placée sous le commandement du Korvettenkapitän Klaus Scholz.

Le premier sous-marin Allemand arrivant à Bordeaux est le U-178, le 9 janvier 1943. L’U-180 y arrive un an plus tard, le 1 avril 1944. La plupart des sous-marins à long rayon d’action comme le U-180, anciennement affectés à la 10ème flottille sont transférés à Bordeaux. L’emblème de cette flottille reprend un grand « U » noir pour « U-Boot », un loup (ce type de sous-marin étant souvent surnommé les loups) et surmontant un globe terrestre représentant l’Eurasie. Peu de sous-marins reprennent cependant ce symbole, l’U-180 reste pour sa part signé de l’étoile à trois branches, la « Mercedes Stern ».

U-Boot 180 disparu au large de Contis

U-Boot 180 disparu au large de Contis

U-180 : en liaison avec le Japon.

Fin 1942, la base militaire sous-marine de Bordeaux est progressivement transformée en plateforme d’échange technologique. Alors que les Japonais font face aux attaques de l’armée Américaine et rencontrent de plus en plus de difficultés à s’approvisionner, ils entament des démarches auprès de l’armée Allemande pour acquérir des équipements électroniques, des canons et des munitions. La contre-partie de ces échanges sera de l’or, et la livraison d’un exemplaire de la torpille à oxygène, développée par le Japon. Deux sous-marins basés à Bordeaux sont équipés pour cette forme de transport de marchandise : il s’agita du U-195 et du U-180.

Début 1943, l’U-180 est dérouté pour rencontrer et prendre le relais d’un bâtiment nippon. Il part chargé d’une cargaison d’environ 5 tonnes composée de schémas détaillés de sous-marins océaniques ( le type IXC), de charges creuses anti-char, d’un nouveau modèle de canon aérien, de 430 charges anti-sonar et de divers documents à l’attention de l’Ambassade d’Allemagne à Tokyo.

Au dernier moment et dans le plus grand secret afin d’éviter les espions alliés, il est décidé de remplacer des techniciens Allemands devant voyager dans l’U-180 par un nommé Subhash Chandra Bose. Bose est élu président du Congrès National Indien, mais, face à un conflit idéologique face au Mahatma Gandhi, il doit démissionner. Au début de la seconde guerre mondiale, il part en Allemagne pour former une alliance avec les nazis, dans le but d’attaquer les forces britanniques en Inde, et fonde le corps indien de la Waffen. Ce voyage dans le ventre du U-180 doit l’amener en Asie, ou il deviendra en 1943 le chef du Gouvernement provisoire de l’Inde libre basé à Singapour.

Les rendez-vous en mer entre l’U-180 et l’I-29 japonais.

Le premier rendez-vous océanique entre l’U-180 et un sous-marin Japonais ( le i-29) est programmé pour le 26 avril 1943 dans le canal du Mozambique (au Sud de Madagascar). Jusqu’à cette date, les deux sous-marins respectent le silence radio.

U-Boot 180 disparu au large de Contis

U-Boot 180 disparu au large de Contis

La mer est très agitée, les deux sous-marins ne peuvent se mettre à couple. Ils attendent jusqu’au 27 avril 1943 une acalmie, puis, le transbordement de 5 à 7 tonnes de marchandise est effectué à l’aide de trois canaux pneumatiques, le matériel Allemand ainsi que deux Allemands sont transférés sur le sous-marin nippon, l’or et les torpilles à oxygène à bord de l’U-180.

L’U-180 repart ainsi, chargé d’une torpille à oxygène, de deux torpilles aériennes de facture nipponne, des plans de l’AKAGI (sous-marin de poche développé par le Japon), deux officiers Japonais (le Commandant Hideo TOMONAGA, architecte naval, et le Commandant Genzo SYOZI, spécialiste aéronotique), et deux tonnes d’or en barres de huit kilogrammes.

Le film sur l’U-180.

Une vidéo d’origine indéterminée mais regroupant des extraits de films de la Kriegsmarine fut retrouvée par une association de recherches historiques. Il retrace une grande partie de la carrière du sous-marin U-180 (source « Trevarez dans la Guerre » par Jean-Marie PIQUET, remerciements à Monsieur PIQUET de Trévarez pour le détail de la vidéo).

  • De 0 à 0:40 : extraits d’un film de propagande tourné en mer Baltique pendant les essais du U-180 (automne 1942)
  • A 0:52 : la carte filmée montre la première mission du U-180 (9 février au 3 juillet 1943).
  • A 1:27 : la comparaison entre les conditions de navigation entre la baltique et l’océan indien
  • A 1:27 : Portrait de Chandra Bose et de son secrétaire Habib Hassan, certainement sur le pont de l’U-180
  • A 1:52 : film d’une des opérations de destruction de l’U-180. Il s’agit de la destruction du cargo Grec « Boris » le 3 juin 1943
  • A 2:35 : Transbordement de cargaisons entre l’U-180 et le I-29 japonais le 26 avril 1943 dans le détroit du Mozambique
  • A 3:30 : Portrait du Kapitän zur See Werner Mussenberg, commandant l’U-180 de 1942 à 1943

La dernière mission de l’U-180 : le mystère.

A l’aube de la dernière mission. 
Le 25 août 1944, la 12ème flottille de sous-marins basée à Bordeaux est dissoute, 2 jours plus tôt, l’U-180 quittait Bordeaux pour une mission inconnue.

Août 1944, les sous-marins Allemands basés à Bordeaux quittent la base en mettant cap au Nord, pour rejoindre la base de Flensburg. La décision de dissoudre la 12. Unterseebootsflottille est prise, et tous les membres de la base Allemande de Bordeaux ne peuvent être embarqués pour rejoindre l’Allemagne par sous-marin, certains doivent donc repartir par la terre.

Dans ces derniers jours de la 12ème flottille, les réelles raisons de l’appareillage du U-180 restent peu détaillées. Il quitte la base deux jours avant la dissolution de sa flottille, mais de manière assez surprenante, ne tente pas de rejoindre l’Allemagne comme les autres sous-marins. Au sortir de la Gironde, il met cap au Sud …

Sur les premières heures de navigations, il signale de manière régulière sa position à l’aide sa machine « Enigma », mais à partir du 23 août 1944 ne donne plus signe de vie.

Aucun message de détresse, aucune épave, aucune explosion ou attaque aérienne. Sur une zone allant environ de Mimizan à Vielle-Saint-Girons, l’U-180 disparaît, avec ses 56 membres d’équipage et l’intégralité de sa cargaison qui reste inconnue.

La Kriegsmarine considère le bâtiment perdu, mais l’été 1944 et la dissolution de la 12ème flotille ne laisse pas le temps à l’armée Allemande d’organiser des recherches, et l’affaire est passée sous silence. Bien que certaines sources attribuent la perte de l’U-180 à une explosion, cela reste peu probable selon les sources les plus fiables, car aucun message de détresse, aucune explosion et aucun morceau d’épave n’a jamais été retrouvé. La perte de l’U-180 serait plutôt à attribuer à un Schnorchel deffectueux.

Daphne Class Submarine

Exemple de Schnorchel en action

L’armée Allemande avait effectivement équipé ses sous-marins de tubes d’air périscopiques permettant aux sous-marins de faire fonctionner leurs moteurs diesels tout en restant sous la surface. La série de Schnorchel équipant l’U-180 était défectueuse et fut d’ailleurs remplacée sur nombre de bâtiments Allemands après cet épisode. Il est donc fort possible que l’U-180 en légère immersion ait connu une voie d’eau important par son Schnorchel, ne lui permettant pas de remonter en surface et le faisant couler dans son intégralité au large de Contis.

Qu’attendre de la recherche de l’épave ?

Une épave d’U-Boot au large. 
De manière assez surprenante, les Unterseeboots ayant coulés en mer restent des épaves en assez bon état. Les compartiments étanches des sous-marins, développés aux normes Allemandes restent le plus souvent toujours étanches après plus de 60 ans sous l’eau.

Exemple de l’état de l’épave d »un U-Boot : l’U-352 coulé le 9 mai 1942

Une épave de sous-marin Allemand, coulé en avril 1944 et retrouvée au nord de la Hollande à permis de découper et de récupérer des compartiments étanches intacts !

Il reste cependant à retrouver une épave perdue à environ 50 Km des côtes, d’une dimension de 90m de long par 10 mètres de haut. Il est fort possible que l’épave soit intacte, le sous-marin ayant coulé sans dommage si le Schnorchel en est la cause, et étant de plus équipé d’une double coque de protection.

Une rumeur d’après guerre attribue, selon certaines sources, le départ de l’U-180 vers le Sud le 23 août 1944 au transport et à la nécessité de cacher deux tonnes d’or, toutefois, cette rumeur pourrait-être liée à une confusion avec l’épisode de la rencontre du U-180 et du I-29 le 26 avril 1943. En l’absence de plus de documents ou de recherches, l’U-180 dort certainement toujours au large, avec sa cargaison et son équipage.

2-cm MG C/30 in Unterseebootslafette

Extrantion des canons de l’U-1 d’un caisson étanche après 60 ans sous l’eau

2-cm MG C/30 in Unterseebootslafette

Canons militaires récupérés sur l’épave d’un Unterseeboot coulé en 1944

2-cm MG C/30 in Unterseebootslafette

Caisson étanche récupéré sur le pont de l’épave d’un Unterseeboot de la seconde guerre mondiale

2-cm MG C/30 in Unterseebootslafette

Canon presque neuf, protégé pendant 60 ans sous l’eau par les caissons étanches d’un U-Boot.

Note : édition complétée de notre article paru en 2010.

Remerciements et sources de recherches :

  • Trévarez dans la Guerre par Jean-Marie PIQUET
  • U-Boote ! Lorient par Luc BRAEUEU aux éditions Liveditions
  • Les U-Boote par Yves BUFFETAUT aux éditions Marines
  • Les sous-marins de la Kriegsmarine par Chris BISHOP aux éditions Lodi

Enregistrer

Enregistrer